Aérospatiale durable au Québec : métamorphose d’une industrie qui carbure à l’innovation

Aérospatiale durable au Québec : métamorphose d’une industrie qui carbure à l’innovation

August 10, 2023
December 20, 2024
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Afin de trouver des solutions pour répondre aux enjeux climatiques, l’industrie aérospatiale mondiale est à la veille d’un changement structurel majeur commandé par de nouvelles normes visant à la mener vers la carboneutralité en 2050. Mais qu'en est-il au Québec ?

Conversation avec l'ingénieur, Dr Nabil R. Saad, Ph.D., expert et conseiller d’affaires principal pour le secteur de l'aérospatial chez Inno-centre.

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1. Comment aller vers une aérospatiale durable ? Au récent Salon international de l'aéronautique et de l'espace du Bourget, le gouvernement fédéral a annoncé 350 M$ de dollars pour "verdir" l’industrie

Le secteur de l’aviation est à l’origine d'environ 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Si aucune action corrective n’est entreprise, les émissions produites par le transport aérien pourraient tripler d’ici la fin de la décennie.

Le ministre fédéral des Transports a adopté un plan d’action, une stratégie pour l’atteinte de la carboneutralité de cette industrie d’ici à 2050. Un Fonds stratégique prévoit 1,75 milliard de dollars pour aller vers une industrie aérospatiale durable, notamment par la propulsion électrique ou hybride-électrique des aéronefs, ainsi que les autres modes de propulsion de substitution, tels l'hydrogène vert et les carburants alternatifs durables.

2. Quelle place auront les entreprises québécoises dans la course à l'innovation pour le verdissement de l'aérospatiale à l'échelle globale ?

Cela fait quelques années qu'ici au Québec, les fabricants d’équipements d’origine (FEO) et les PME travaillent activement en collaboration avec des centres de recherche gouvernementaux et universitaires pour accélérer la recherche et la maturation d'une variété de technologies très prometteuses. Le Consortium de recherche et d'innovation en aérospatiale du Québec (CRIAQ*) est l'un des acteurs en cette matière.

3. Quel est le rôle de l'hydrogène vert dans le nouvel horizon énergétique ?

L'hydrogène vert est basé sur l'électrolyse de l'eau. Sa production nécessite donc de l'électricité, soit 40 mégawatts-heure pour transformer 9 tonnes d'eau en 1 tonne d'hydrogène liquide. Cet hydrogène est vert parce que l'électricité provient de barrages, d'éoliennes ou de panneaux solaires. Grâce à notre richesse hydro-électrique, nous pouvons en produire à bon prix, mais d'abord il faut développer des moteurs d'aéronefs pour ce type de propulsion. Ensuite, il s'agira d'équiper les aéroports d'infrastructures capables d'alimenter les nouveaux avions avec de l’hydrogène vert.

4. Pourriez-vous nous donner un exemple d'intervention en décarbonation aérospatiale réalisée par une entreprise innovante accompagnée par Inno-centre ?

Nous avons par exemple accompagné Limosa, la première entreprise canadienne à offrir un aéronef de 10 à 19 places entièrement électrique, lequel est remarquablement écologique, et plus économique par rapport aux moyens actuels de transport aérien.

Limosa rassemble des experts en conception et analyse structurelle d'aéronefs, en aérodynamique, en systèmes de propulsion, en commandes de vol et en avionique. Ces ingénieurs ont conçu un aéronef à décollage et à atterrissage vertical (eVTOL), et ont effectué des essais de vol à l’aide d’un prototype à échelle réduite.

Nous conseillons Limosa pour la préparation d’un plan d'affaires qui inclut de l’intelligence de marché, des projections financières et des stratégies de marketing afin que l'entreprise obtienne du soutien financier gouvernemental et privé.

L'apport d'Inno-centre permettra surtout de faire en sorte que l'avion soit construit aux normes aux fins d'essais en vol à grande échelle. Notre accompagnement s'étend jusqu'à la certification, l'industrialisation et la mise en service commerciale de cet aéronef.

5. Inno-centre regroupe des conseillers du secteur de l’aérospatiale dont vous-même. Quelle est votre approche avec vos clients en tant qu’expert ?

Notre mission première consiste à accélérer la performance d’affaires des PME en offrant un accompagnement et des conseils d’affaires sur mesure. Cela permet de créer de la valeur et d'atteindre les objectifs de performance souhaités, et ce, en passant par les normes environnementales et de qualité, sans perdre de vue les revenus et la profitabilité, qui sont évidemment la finalité de toute entreprise.

Bien que la performance d’affaires des PME en aérospatiale demeure au cœur de nos interventions, nous avons le défi supplémentaire de contribuer à renforcer le pouvoir concurrentiel de l’industrie canadienne dans son ensemble, car ce marché, plus que d'autres, est mondial.

Pour rester dans la course, les PME du Québec et du Canada doivent parvenir à répondre aux besoins en approvisionnement des FEO, comme les constructeurs d’aéronefs tels Bombardier, Airbus et Boeing, ainsi que les constructeurs d’aéromoteurs comme Pratt & Whitney, General Electric et Rolls Royce. Autrement dit, nos PME sont en concurrence directe avec des entreprises établies aux quatre coins de la planète, qui bien souvent possèdent de grandes capabilités technologiques et des capacités de production avancées.

Dans notre approche, Inno-centre ne se contente pas d’examiner et de corriger les indicateurs de performance de chaque entreprise : nous travaillons aussi avec l'ensemble des PME du secteur afin de les faire migrer vers un modèle d’affaires en adéquation avec les normes et exigences de cette industrie telles qu'elles s’imposent maintenant et dans l’avenir.

Dans notre grappe aérospatiale, placée troisième mondialement après celle de Seattle et de Toulouse, nous travaillons ensemble avec les PME du Québec afin de les amener à passer du mode fournisseur de pièces et de composantes (rangs 3 et 4) au mode intégrateur (rang 2), c'est-à-dire capables de fournir des assemblages et des sous-assemblages, type clé en main, auprès des FEO (Rang 1). Cette approche à forte valeur ajoutée accroît le pouvoir concurrentiel de nos PME au sein de la chaîne de valeur aérospatiale, et ce, à l'échelle internationale.

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L'INDUSTRIE AÉROSPATIALE, EN CHIFFRE

En 2022, le secteur de l’aérospatiale fournissait 212 000 emplois hautement qualifiés, en augmentation de 14 400 emplois (6,7 %) par rapport à 2021.

Cette industrie a contribué pour près de 27 milliards de dollars au PIB du pays, en augmentation de 1,8 milliard de dollars par rapport à 2021.

L’industrie canadienne de la fabrication aérospatiale a réalisé des exportations de produits d’une valeur de près de 18,7 milliards de dollars en 2022.

*Le CRIAQ a pour mission de regrouper des acteurs industriels et de la recherche en aérospatiale au Québec.

Portefeuille de projets de 350 millions de dollars pour des projets triennaux en phase d'exploration, à l'étape de la maturation, ou pour du soutien à l'innovation. Cette société parapublique compte164 membres (120 industriels, 35 centres de recherche, 9 membres associés). Son comité scientifique procède chaque année à des appels à projets.

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