Dans le futur, on se souviendra probablement de l’été 2023 comme étant celui ayant fait la démonstration sans équivoque des changements climatiques. Au Canada, les feux de forêt ont fait plus de dommage en une seule saison que durant les dix dernières années, un phénomène qui s’est répété ailleurs sur la planète avec une intensité encore jamais vue.
Au même moment, les relations employés et employeurs sont revisitées dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre alors que la population exige de plus en plus de transparence dans la gouvernance des entreprises.
Si la pression semble venir de partout, l’intégration des critères ESG est davantage à portée de main des PME qu’on ne pourrait le croire. Parfois, sans même sans rendre compte, les entreprises posent déjà des gestes concrets qui peuvent faire une différence significative.
La preuve que les bonnes pratiques ESG prennent de plus en plus d’importance est que les différents paliers de gouvernements agissent chacun à leur manière afin de faire évoluer les choses. Au Québec, cela se manifeste entre autres par différentes contributions et aides pour réduire les gaz à effet de serre (GES).
Par exemple, au printemps dernier, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et celui de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs ont octroyé une aide financière de 17 millions de dollars à Inno-centre pour favoriser la croissance durable et une plus grande productivité des entreprises en transformation alimentaire, notamment grâce à l’intégration de critères ESG dans les pratiques et la planification d’affaires.
Plus précisément, Inno-centre a comme mandat d’aider les PME à accroitre leur performance d’affaires, réduire les GES générés par les activités de transformation, répondre aux enjeux de pénurie de main-d’œuvre et les soutenir dans leur adaptation aux nouvelles exigences de consigne.
Le terme ESG a été créé par la communauté financière pour désigner la prise en compte de critères extra-financiers dans les décisions d’investissement. Il combine à la fois les facteurs ayant un impact financier à long terme sur la PME et les investissements, et ceux respectant certaines normes et standards en matière de gestion environnementale, sociale et de bonne gouvernance.
« Notre rôle est de rendre ça concret et de marier ces critères à la performance d’affaires », indique Éric Waterman, vice-président, Agroalimentaire chez Inno-centre. « Le but n’est pas de faire du militantisme environnemental, mais de sensibiliser les PME et d’identifier les opportunités d’affaires émanant de l’intégration des critères ESG aux pratiques d’affaires. »
La professeure de l’UQAM, Marie-France Turcotte, experte en responsabilité sociale et environnementale, et associée au Centre international de référence sur l'analyse du cycle de vie et la transition durable (CIRAIG), un partenaire d’Inno-centre, raconte que les normes éthiques ne datent pas d’hier. Depuis une centaine d’années, des groupes tentent de mettre en place des critères en appelant à la responsabilité sociale ou environnementale.
Les critères ESG sont nés pour leur part de l’échec de mettre en place un consensus international sur les trois aspects que sont l’environnement, le social et la gouvernance. La sphère privée et les lobbys ont mené des campagnes efficaces là où le bât blesse, soit la réputation et la rentabilité d’entreprises internationales, telles que Walmart et Nike. On a souligné, par exemple, leurs manquements environnementaux ou d’employeur en appelant les consommateurs au boycott. Les entreprises ont répondu en rectifiant leurs pratiques et en demandant à leurs fournisseurs de faire de même. C’est ainsi qu’on voit aujourd’hui dans les cahiers de charges des questions sur l’impact environnemental et la manière dont les entreprises tentent de résoudre ces questions.
Éric Waterman explique que cette approche est désormais la norme et peut signifier la signature ou non d’une entente entre donneurs d’ordres et fournisseurs. « Les grandes entreprises intègrent de plus en plus les critères ESG dans les négociations avec leurs fournisseurs parce que si elles veulent pouvoir répondre aux exigences extra-financières, elles doivent s’entourer de fournisseurs et de partenaires d’affaires qui présentent les mêmes préoccupations ».
Pour avoir une longueur d’avance sur la concurrence, les PME ont donc intérêt à intégrer rapidement les critères ESG à leurs pratiques d’affaires, ce qui favorisera sans aucun doute un plus grand nombre d’opportunités d’affaires à terme.
Crédits photographiques : Café William Spartivento
Pour certaines entreprises, mieux agir vis-à-vis l’environnement et prendre conscience de leur impact sur le tissu social fait partie intégrante de leurs opérations. Café William Spartivento a depuis longtemps décidé de se consacrer au café équitable et biologique. Pour le torréfacteur et distributeur de café québécois, cette prise de position va de soi, mais elle lui permet en outre de se distinguer des gros joueurs tels que Starbucks ou Nescafé. Même chose pour Aliments Morehouse Canada qui a suivi un chemin singulier en se détachant de la maison mère pour mieux s’adapter au marché local et en adoptant de meilleures pratiques en parallèle.
Les deux PME québécoises ont aussi en commun d’avoir dû surmonter une quantité phénoménale de défis en construisant des usines en pleine pandémie. Elles ont également eu recours aux services d’Inno-centre, mais pour des raisons différentes.
Le président-directeur général de Café William Spartivento, Rémi Tremblay, raconte qu’il a entendu parler d’Inno-centre par le biais d’un contact. La nouvelle usine était avancée dans sa construction, installation qui comprend le premier four à torréfaction électrique au Canada. La consultation a porté sur la manière de prendre de l’expansion dans le reste du Canada et aux États-Unis, tout en réduisant les GES. L’aspect des déplacements et de la carboneutralité étaient au cœur des questionnements. Par expérience, il explique que les éléments sont souvent en place dans l’entreprise, mais qu’il faut organiser le tout. « Généralement, il y a des économies financières dans tout ça. Ça signifie mieux acheter tout en ayant un impact positif en même temps. »
Aliments Morehouse Canada et Inno-centre comptent déjà deux collaborations. La troisième s’est concentrée sur le cycle de vie de tout le processus de la transformation d’aliments, dans le cas de l’entreprise, les vinaigrettes qui constituent ses produits vedettes. La PME souhaitait mieux gérer ses déchets, améliorer son efficacité opérationnelle et revoir le type d’emballage utilisé.
Crédits photographiques : Aliments Morehouse Canada
George Sabbagh, vice-président chez Inno-centre, explique « qu’une collaboration avec l’organisation ne se limitera pas à l’analyse des opérations et des pratiques d’affaires dans les cas qui le requièrent ». À titre d’illustration, Inno-centre recommandera le calcul et le bilan de l’empreinte carbone, ainsi que l’évaluation du potentiel de réduction des GES d’une entreprise s’il anticipe que l’accès à ces données pourrait contribuer à optimiser la chaîne logistique. C’est le type d’informations qui permet ensuite d’élaborer un plan d’intervention personnalisé, priorisant les actions qui rapportent le plus quantitativement et qualitativement. « C’est dire qu’Inno-centre aide les PME à identifier, à mesurer et à planifier les efforts à fournir par rapport aux investissements à prévoir », résume-t-il.
M. Sabbagh ajoute que les critères ESG comportent tellement d’éléments différents que les PME ont l’embarras du choix sur la manière d’intervenir, que ce soit par la stratégie d'approvisionnement, l'impact environnemental ou la relation avec les employés et la communauté. L'important, c'est qu'elles priorisent leurs actions là où elles auront le plus d'impact, tout en améliorant leur performance d'affaires.
La motivation des entreprises est réellement un moteur dans leur adhésion aux critères ESG. Elles en font parfois une mission et cet engouement a le potentiel de devenir attractif. Selon Dany Mercier-Bouchard, directeur R&D chez Aliments Morehouse Canada, l’entreprise n’a pas besoin de recruter. Ce sont les gens qui viennent frapper à la porte de l’entreprise, attirés par sa vision. Même son de cloche pour Café William Spartivento. « On reçoit des candidatures intéressantes, ce qui est un véritable plus en situation de pénurie de main-d’œuvre. On a des gens tellement motivés à l’intérieur. C’est un projet collectif qui nourrit de nouvelles idées ».
Mme Turcotte rappelle que les normes sociales évoluent. Ce qui était acceptable auparavant ne l’est plus et vice versa. Elle souligne que les arguments sont par ailleurs nombreux pour soutenir l’adhésion à des critères ESG qui, s’ils n’ont pas force de loi et sont volontaires, ont démontré qu’ils apportent une certaine efficacité. Ils deviendront également un incontournable pour les PME qui souhaitent non seulement demeurer en activité, mais s’épanouir à long terme. « Ce n’est plus seulement un avantage compétitif, c’est une compétence clef pour survivre dans l’environnement d’affaires ».
George Sabbagh aimerait voir les PME intégrer les préoccupations environnementales, sociales et de gouvernance dans les opérations d’affaires afin qu’elles deviennent un réflexe à chaque étape des prises de décision. « On y croit vraiment à notre responsabilité sociale. On croit que les PME peuvent avoir un impact et on peut leur montrer comment. »